Palais Abdellia – La Marsa
« On dirait que le spectateur est là depuis le début, que l’oeuvre est faite à son intention, qu’on a tenu compte du point fixe où il sera placé » (Esthétique, 1965), déclare Hegel à propos de la place qu’occupe virtuellement le spectateur au sein de l’oeuvre.
L’exposition Surface Sensible regroupe des installations qui proposent une interaction visuelle, tactile, sonore, ou de tout autre catégorie perceptive avec le public. Liés aux sciences et aux techniques, l’art interactif s’est considérablement développé avec l’avènement de l’informatique et des interfaces numériques. Surface Sensible questionnera le mode d’exposition de l’oeuvre dans sa confrontation face à la participation du spectateur.
L’interactivité reproduit un point de vue central, « perspectif », tel que la Renaissance le conçoit et que l’on aurait pu croire perdu avec la modernité. Selon Jérôme Glicenstein : « le déplacement simulé ou mental qu’offrent de nombreux dispositifs hypermédias, en réseaux ou en réalité virtuelle, n’est-il pas un moyen idéal de faire
venir à soi le monde, d’avoir la maîtrise de l’espace ? Si la relation interactive met à l’occasion en jeu la
création collective avec des œuvres en réseaux « ouvertes » ou des modes dialogués, comme dans « l’esthétique relationnelle », il faudrait alors interroger d’avantage le rapport d’interactivité privilégiée qui place le sujet-interactant au centre de l’œuvre et ouvre l’œuvre sur sa médiation. » (Cf. Jérôme Glicenstein, La place du sujet dans l’oeuvre interactive).
De façon plus large, à travers le choix de cette thématique, Surface Sensible tente d’aiguiller le spectateur vers une réflexion métaphorique sur son rôle dans le conditionnement du paysage culturel et artistique qui lui est proposé. Après avoir exposée à plusieurs reprises en tant qu’artiste au sein d’E-FEST, Farah Khelil est conviée en tant que curatrice à l’élaboration de l’exposition en association avec Afif Riahi, directeur artistique.
ARTISTES INVITÉS
Vincent Dulom – Centre 15060501 -Jet d’encre sur toile (tirage unique)
La toile réalisée par Vicent Dulom à l’occasion de l’exposition Surface Sensible, s’affirme tout d’abord par sa taille. Aux dimensions de sa salle, elle en occupe le centre. Le sol, les murs, soulignent son basculement, du carré au losange, dans une tension palpable.
Avec des diagonales de plus de quatre mètres la peinture propose une expérience proche du vertige. Par la seule lumière de sa couleur, la toile se couvre d’ombre. Son jaune devient vert. Il s’abîme, sombre, dans l’épaisseur insondable et mouvante de son plan, finit par disparaître à sa surface. L’apparition visible de cet effacement perd le spectateur et ouvre le regard au doute et à l’incertitude. Résistant à son cadre, la peinture offre un retrait sur lequel l’œil n’a pas prise, une voie pour ce qui est sans définition. V.D
Félix Luque Sanchez – Different Ways to Infinity : Modular (2014) – Installation visuelle et sonore
“D.W.I. : Modular” est composée d’objets géométriques, dix dodécaèdres rhombiques, polyèdres qui font partie de la famille des «Space-filling polyhedra» : une forme capable de s’imbriquer entre elles pour ainsi remplir entièrement l’espace à l’infini. Ces formes de dodécaèdres rhombiques fonctionnent dans l’installation comme un générateur de sculptures géométriques. Elles ont un immense potentiel combinatoire afin de créer des paysages tridimensionnels.
Ces dodécaèdres sont aussi dotés de comportements réactifs, grâce à des arêtes lumineuses. Face à ce système générateur de sculptures, l’auteur a conçu une configuration, un assemblage, qui exploite les capacités dramatiques et formelles de cette construction géométrique. Ainsi, il utilise un algorithme pour produire un flux aléatoire de lumières. Ceci va brouiller la perception de la géométrie de l’objet, qui ne sera dévoilée que progressivement.
Frédéric Deslias – #TeslaCoil – Installation visuelle et sonore
#TeslaCoil rayonne et rend visible les champs magnétiques en les poussant à leur paroxysme (45 000V). Cette bobine résonne aujourd’hui dans toutes nos consciences — au sens propre comme au figuré — car elle agit comme une antenne foudroyante qui propage du data dans l’air, ce qui provoque à la fois une fascination technophile (on sculpte la foudre dans un exercice de hacking qui défie les lois de la nature) et technophobe, dans un exercice critique, elle rend tangible les champs (Wifi,3G…) qui nous environnent.
Les tubes fluos qui entourent la bobine ne sont alimentés que par l’énergie électromagnétique dégagée par celle-ci. Le son produit par les modulations des arcs à hautes fréquences est une restitution des champs captés en direct dans la pièce.
Filomena Borecka, en collaboration avec Bruno Dubois – Phrenos – la banque du souffle – Installation immersive et sonore
La sculpture sonore, pénétrable et participative « Phrenos – la banque du souffle » s’interroge sur le phénomène du partage et l’interdépendance, ainsi que sur le « Bonheur intérieur brut » de ces spect-acteurs. Elle réunit les souffles individuels dans un seul grand souffle commun et collectif. La forme ergonomique de Phrenos, réalisée en étroite collaboration avec le plasticien et designer Bruno Dubois, dessine la circulation de l’air en prenant en compte le corps du spectateur. À l’aide d’une diffusion spatiale en 5.1., intégrée dans la forme centripète de la sculpture, on peut entendre les cadences respiratoires des personnes distincts en même moment : un bébé endormi avec une respiration profonde et apaisée, une femme après un effort physique, un homme ému, un vieillard essoufflé, et bien d’autres rythmes.
Magdi Mostafa – Transparent Existence – Installation visuelle et sonore
Transparent Existence est une installation de son et de lumière créé pour le Musée islamique Mawlwian au Caire. L’artiste a mené des recherches sur l’histoire architecturale du musée lui-même, qui abrite des objets se rapportant à des rituels soufis et un théâtre dédié à la danse traditionnelle soufie. Au cours de son enquête, Mostafa a constaté que les constructions qui datent d’il y a plus de 650 ans, servent à l’origine d’école. Plus tard, cette structure est devenue le fondement d’un site religieux à vocation soufi, avant d’être finalement transformée en musée. Récemment des fouilles archéologiques révèlent des fondements historiques de construction, ainsi que l’enfouissement de cinq ossements d’individus anonymes qui remontent au 15ème siècle. Intrigué par ces couches multiples et interpénétrés de l’histoire, l’artiste conçu un projet qui permet d’attirer l’attention sur le passé invisible du site.
SCENOCOSME : Grégory Lasserre & Anaïs met den Ancxt – Phonofolium et Lux – Installation interactive
Phonofolium et Lux est une œuvre interactive présentant un arbuste qui réagit au moindre contact électrostatique humain par des sonorités et des intensités lumineuses. Lorsqu’une personne caresse l’arbuste, celui-ci se met à chanter et les variations lumineuses deviennent plus fortes en fonction de la proximité du contact.
Les artistes Scenocosme travaillent sur des hybridations possibles entre végétal et technologie numérique. Ils utilisent les plantes comme des capteurs naturels et vivants, sensibles à des flux énergétiques divers. Ils explorent entre autres les relations invisibles que nous entretenons avec l’environnement: ils rendent alors sensibles les variations énergétiques infimes des êtres-vivants en proposant des mises en scène interactives où les spectateurs partagent des expériences sensorielles extraordinaires.
SCENOCOSME (Grégory Lasserre & Anaïs met den Ancxt) & LOLA and YUKAO Meet (Lola Ajima & Yukao Nagemi) – La maison sensible- Installation interactive
Cette œuvre comportementale réagit comme un corps humain. La Maison Sensible est une installation interactive qui prend corps dans une salle équipée de capteurs sensoriels discrets. Elle augmente un espace physique ainsi que la relation que le spectateur peut avoir avec un environnement délicat. Les murs sont recouverts de particules fines, au repos animées de lents mouvements de respiration, accompagnées de paysages sonores calmes. Si le visiteur pénètre dans la salle avec des comportements brusques, les particules s’enfuient, la pièce devient bruyante et figée. C’est seulement délicatement , et en présence de comportements empathiques, que les particules offrent des motifs envoûtants accompagnés d’atmosphères sonores plus chaleureuses. Si les visiteurs la caressent doucement, la salle devient un organisme communicatif, encourageant alors la poursuite de comportements attentifs.
Santiago Torres – Composition Color v°3.4 – Installation vidéo interactive
Pour Santiago Torres, le mot « art » est la pure traduction de l’idée de liberté, de créativité, de réflexions et de ruptures de barrières de l’image fixe. Il veut ouvrir un champ nouveau, ludique et toujours interactif. Éléonore Schöffer écrit que l’oeuvre de Santiago Torres « n’est pas figée mais offerte au dialogue esthétique et sensible de celui qui, en osant, rejoint l’esprit du Créateur ». Ainsi, l’artiste crée la création. Ses cinq « Construccion color » et les 12 « Rotacion » témoignent de cette esthétique libérée.
Véronique VERSTRAETE & Mohamed-Ali KAMMOUN – Kerkennah, mélodie visuelle – Installation visuelle et sonore
Véronique VERSTRAETE, plasticienne, et Mohamed-Ali KAMMOUN, pianiste et compositeur, se rejoignent pour tisser une pièce sonore et visuelle. « Kerkennah, mélodie visuelle » est une installation issue de la pratique de chacun de ces deux artistes, des vocabulaires musicaux et plastiques que chacun développe individuellement et du travail qui a été mené dans le cadre de cette création.
La forme des l’îles de Kerkennah, sa découpe en dent de scie face à la côte du golfe, les différents motifs des broderies et tapis, le point géométrique kerkennien, tout autant que la densité des paradigmes rythmiques de cet archipel, visibles notamment dans la forme Al-Shghol, ont inspiré le motif coloré dessiné au sol ainsi que les sons qui l’éveillent.
Le visiteur est invité à se promener sur cet espace insulaire sollicitant son regard et son écoute.
HEJER CHELBI – Sélection appel candidatures – Equivoque – Installation visuelle
Ecran sensible, surface insaisissable, informations volatiles … l’oeuvre est une image fugitive et défigurée de la réalité, dans la quelle le spectateur peu y baigner. Concrétisant une piscine de fumée matérielle, l’oeuvre invite les spectateurs à s’immerger dans une projection réactive, une surface sensible de fumée et de poussière.
L’image projetée se propage dans l’espace, le submerge, entrainant le spectateur à s’y fondre et à s’y confondre. Elle se résorbe pour absorber et emprisonner le visiteur pendant un moment dans un bain d’images translucides, esquisses délibérément évasive, miroir d’une réalité qui nous fuit. Les mouvements affectent la surface de l’image, celle ci se retire… laissant ainsi un vide pesant et bavard.
MEHDI HAJ SASSI – Sélection appel candidatures – – Can’it, Play it – Installation interactive
Can’it, Play it est composée de canettes de soda en aluminium formant un synthétiseur sonore. Les sons diffusé symbolisent un élément de la nature. Ainsi, par un geste sensible et personnel, le spectateur compose un paysage mélodieux, harmonieux ou chaotique.