Depuis plusieurs années, l’Université de Paris projetait de créer un Institut de Phonétique. L’idée d’un Musée de la Parole, mise en avant par diverses personnes, avait trouvé faveur auprès du public. Mais les moyens de fonder ces institutions manquaient, lorsque le 18 février 1911, Monsieur Emile Pathé offrit d’installer à la Sorbonne, le laboratoire destiné à l’enregistrement de la parole. Ainsi fut créées les « Archives de la parole », qui seraient la base du futur Institut de phonétique.
L’installation consiste en une création sonore librement inspirée de discours effectués dans le Grand Amphithéâtre et des « Archives de la parole », elle propose un exercice ludique de phonétique. Les extraits collectés, repris, servent de partition à la composition qui mêle voix, instruments électroniques, enregistrement concret. L’écoute de la pièce est effectuée à partir de la scène, l’auditeur prenant la place de l’orateur.
Le 3 juin 1911, dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, Ferdinand Brunot (linguiste et professeur d’histoire de la langue française à la Faculté des lettres de Paris) inaugure les Archives de la Parole.
Dans son discours, il expose les grands axes du projet :
• Constituer une bibliothèque sonore de la langue, en enregistrant sur disque, le français, les patois hexagonaux et les langues étrangères ;
• Développer à l’aide de ces enregistrements la science et l’analyse de la parole.
Le 3 septembre 2014, Léa Moreau a lu le discours de Ferdinand Brunot. Nicolas Charbonnier l’a enregistrée.
Notre proposition pour la Sorbonne utilise cet enregistrement comme une partition musicale. Dans la Salle des Autorités, celui-ci est diffusé dans sa version initiale.
Dans le Grand Amphithéâtre, nous diffusons une partition pour 4 groupes de haut-parleurs. Ces groupes symbolisent le lien entre perception et discours, compréhension et altération. Des représentations probables à la représentation compréhensive, chacun occupe une position spécifique dans l’amphithéâtre.
• Le premier groupe, situé au centre du parterre, diffuse la voix de Léa par intermittence, seuls certains mots de l’enregistrement ont été conservés.
• Le deuxième groupe, occupe le demi-cercle de gradins entourant le parterre. Le matériau sonore correspond à toutes les évocations sonores présentes dans le discours de Ferdinand Brunot (« que serait-ce si vous entendiez hurler la bête », « tandis que certaines voyelles claironnaient », « un léger bruit de grattement », etc …)
• Le troisième groupe, situé dans les balcons au-dessus, utilise les hauteurs et les rythmes de la voix enregistrée pour contrôler un synthétiseur.
• Le quatrième enfin, située dans les alcôves, fait résonner la voix dans ces espaces et la transforme en trame sonore.
En fin de parcours, Flo Kaufmann presse un vinyle de cette interprétation. Impression en relief, par creux et par saillies, un pont entre 1911 et aujourd’hui, le public peux se saisir d’un exemplaire.